Pensées pour Denis
Plus de deux semaines de Covid comateux pour mon petit cousin, un petit frère, de trois ans plus jeune que moi… Transporté de Paris à Tours, il y a quelques jours, pour faire place à de nouveaux malades, comme des centaines d’autres, il n’est sorti du coma que quelques minutes ; trop agité, trop vivant, puisque arrachant ses appareils respiratoires, il navigue quelque part entre la vie et la mort, loin des siens, abandonné aux soins des professionnels qui se démènent et se dévouent pour soigner le corps, l’existence. Mais l’âme, l’esprit, l’essence,les moteurs de la vie, qui s’en occupe, qui s’en préoccupe ?
VIS SES RÂLES
On l’a transporté
Son corps fort
Devenu sac sec
Hérissé de tuyaux.
On a trimballé
Tous ces kilos d’os
Et de muscles
Branchés à des machines.
Machination de vie
Trituration
Actions
Visages masqués penchés
Sur lui
Pour le tirer de là
Du coma
Du là-bas.
Et lui,
Esprit, rire, appétit,
Lui
Ce qui le faisait Lui
Voix, démarche, énergie ?
Tout cela est enfoui
En soute, en doute, en déroute
L’air lui manque,
L’air, le grand air,
L’air d’hier.
Que sont ses poumons
Nourris d’air en bouteilles ?
Sa trachée traversée
Par un respirateur artificiel ?
L’air lui manque
Il étouffe
- Étoffe déchirée -
Et pas un être aimé
À son côté
Pour lui dire :
« Respire ! «
Pas un être aimé
De son côté
Pour lui souffler
Un air aimé
Du passé
Une haleine chargée de souvenirs.
Il vit ses râles
Seul
Seul sur le seuil.
- L’âme hors jeu -
La vie serre les boulons
Longue et latente
Hors d’atteinte
Hors d’haleine.
L’air de rien.
Adeline Gouarné